Il chante et enchante les centres aérés

« Les enfants, on les oublie tout le temps. Mon seul message, c’est de dire qu’ils sont là, parmi nous, les plus petits, les plus fragiles d’entre nous. C’est pour célébrer leur présence que je compose et que je chante. » Les chansons à chanter, à jouer et à mimer de Karimba, les petits privilégiés des écoles et centres de loisirs de Montreuil, la ville de Seine-Saint-Denis où il habite, les ont adoptées et rapportées à la maison sitôt entendues. Séduits par la tendresse des paroles, la fraîcheur du rythme et l’engouement des enfants, ce sont les papas et les mamans qui en ont redemandé et ont commencé à fredonner : « Pas facile pour bibi, de donner son avis/Interdit, pas permis, fais pas ci ou t’es puni/Patati, patata, y en a ras le batata/C’est comme ci, c’est comme ça/On ne me donne aucun choix. »
Karim Chaïb (Karimba pour les fans) a quarante ans mais, dit-il, « toujours mes dix ans en tête ». Nostalgie de ses premières années ? Né à Pantin, petit dernier d’une famille de sept rejetons, il a eu droit à une enfance magique, c’est-à-dire, précise-t-il, « en liberté et en sécurité : mes parents travaillaient et je me suis éclaté dans la rue ». Sous l’œil vigilant des grands frères, qui le protégeaient. « C’est ainsi que j’ai appris, sans discours, la solidarité. Quand j’ai grandi, à mon tour j’ai veillé sur les plus jeunes. Et j’ai pris ce pli pour la vie. A l’école, quand une bagarre éclatait, je m’en mêlais pour protéger le plus petit. »
Devenu adulte, Karimba est sûr d’une chose : il refuse de quitter le monde des enfants. Il sera donc moniteur de colonies de vacances l’été, animateur de centre de loisirs le reste du temps. C’est en colo justement, dans l’ambiance des jeux et des veillées, que surgit l’envie de chanter. « Avec mes premiers sous je me suis acheté une guitare d’occasion que j’ai rafistolée. J’ai d’abord appris seul les accords, avec un professeur ensuite, et je ne l’ai plus lâchée. » Il épuise alors le répertoire connu : Il court, il court, le furet, Une souris verte, etc. Puis, « un jour j’en ai eu marre de ces petites bêtes et j’ai commencé à composer mes propres textes ».
Karimba nourrit ses chansons de son expérience d’animateur. Le matin, il voit les parents débouler au galop, traînant derrière eux un enfant mal réveillé, arriver en retard le soir pour repartir encore au triple galop. Et les petites jambes doivent, elles aussi, toujours courir derrière les parents si souvent en retard d’un métro, d’une course, d’un repas à préparer. D’où Y en a marre : « J’ai passé la journée dans le centre aéré/Et dix heures d’affilée je suis hyper fatigué/Tout le monde est parti et je reste seul ici/Tout les soirs en retard/Mais quand est-ce que je repars ? » Dans le même registre, il ironise sur la liste des obligations : « Enlève ton doigt qui est dans le nez/Ne cours pas tu risques de tomber/Fais attention tu vas te tacher. Toute la journée ils ne font que répéter : O-BLI-GA-TIONS ! » Souvent témoin, parfois confident, Karimba raconte aussi tous les désarrois. Petit frère témoigne de celui d’un enfant de cinq ans devenu le grand après la naissance d’un petit frère : « J’ai un petit frère qui est toujours par terre/Quand il est en colère il casse mes affaires/Il prend tous mes jouets et ne range jamais/Je me fais disputer et je dois tout ranger. » La chanson Mon papa à moi évoque la séparation : « Où est-tu ? Et que fais-tu ? Je ne te vois même plus/Que manges-tu ? Où dors-tu ? Je ne sais même plus/explique un peu j’comprends plus, toi aussi tu es perdu. »
Entre 1990 et 1994, Karimba s’occupe des instruments de Kaoma (les interprètes de la Lambada), ce qui lui permet de faire le tour du monde. Partout où il passe, chaque fois qu’il le peut, au Brésil ou au Chili, au Québec ou aux Etats-Unis, il visite les écoles, curieux des ambiances, des jeux, des goûts des enfants d’ailleurs. Ces voyages lui inspirent Mamayé, l’une des chansons favorite de son auditoire enfantin. A son retour, il joue dans les écoles, les centres de loisirs, les soirées de solidarité, les hôpitaux. Ces sont les adultes qui lui suggèrent : « Pourquoi ne ferais-tu pas un album ? » Le premier, intitulé Mamayé, sorti en 2000, est en vente dans les Fnac depuis qu’on a entendu son auteur à l’émission « Laissez-vous tenter » de Rtl. Il prépare un deuxième album, qui traitera des fessées (c’est dépassé), des dangers de la rue, de la différence. « Ce ne seront pas des chansons tristes », assure Karimba. Rendre heureux, faire rire, émouvoir les petits et faire réfléchir un peu les grands, tel est son but. Toutes ses prochaines compositions se chanteront et se danseront encore dans un joyeux mélange de lambada, de samba, de flamenco et de gospel.

Maïté PINERO
Pour Viva, n°184 de décembre 2003